Interview réalisée par Patrick Perrinaud
Claude Sicard a bien voulu se prêter au jeu de l'interview et aiguiser notre curiosité en se remémorant un voyage en Zambie.
La photo intitulée "La falaise aux guêpiers carmin" est pour lui un véritable "révélateur"...
Bonjour Claude, et tout d'abord merci d'avoir accepté de répondre à quelques questions.
Cette espèce de guêpiers se rencontre-t-elle en France ?
Non, le guêpier carmin vit dans la zone du tropique du Capricorne et la photo a été prise en Zambie.
Peux-tu nous donner la date de la prise de vue, s'il te plaît ?
Cette photo a été prise en septembre 2009
Es-tu en mesure de situer la place de cet oiseau dans la "chaîne de vie" animale ?
Le guêpier carmin se nourrit de sauterelles, criquets et hyménoptères et pour ce faire décrit de larges cercles dans le ciel. Leurs prédateurs sont les différents rapaces africains de cette zone géographique et les crocodiles qui les attaquent lorsqu’ils viennent s’abreuver au bord de la rivière.
Des crocodiles qui se nourrissent de petits oiseaux ?
Personnellement, je n'ai jamais vu ce comportement. Par contre, j'ai vu à plusieurs reprises, notamment en Ouganda, des échassiers grimpés sur le dos de crocodiles et qui voyageaient ainsi “ gratuitement” ... quand les sauriens finissent par être excédés ... leurs mâchoires ne font pas de différences !!
J'ai très récemment vu un documentaire qui montrait tout un pan de “falaise” (je ne me souviens plus où - peut-être bien là où tu étais !) qui s'effondrait, détruisant grands nombres de nids de guêpiers carmin. La sécheresse est semble-t-il à l'origine de ce désastre. Ta photo, magnifique, est-elle déjà à ranger au rang de témoignage ou restes-tu optimiste sur la capacité de l'Homme à agir pour la sauvegarde et le développement de la nature ?
Je pense qu’il faut relativiser quant à l’action de la sécheresse sur la destruction de l’habitat des guêpiers carmin. Ces oiseaux ont l’habitude de nicher à flanc de rivière dans les falaises de sable qui les surplombent.,
Les chambres de couvaison se trouvent au bout d’un tunnel qui mesure environ 2 m de long et les oiseaux, très grégaires, nichent parfois par millier sur une seule falaise qui devient alors un vrai gruyère, d’où l’effondrement qui peut en découler.
Bien sur, il ne faut pas minimiser l’action de la sécheresse dans ce cas, mais ce n’est pas le facteur principal.
Aprés un tel voyage et de telles photos, que te reste-t-il en mémoire, et en envie ?
Je suis allé en Zambie dans le cadre d’un voyage organisé par un ami et nous étions plusieurs qui nous nous connaissions très bien avec les mêmes envies et objectifs.
Nous avons fait connaissance de rangers passionnés et compétents qui ont pu nous expliquer leur travail et nous montrer les actions qu’ils mènent sur place. Les moments les plus merveilleux sont toujours les levers et couchers de soleil quand les lumières sont les plus belles et l’envie d’y retourner est évidemment très forte dès que les conditions sanitaires s’amélioreront.
Certains polémistes estiment que “faire des photos en safaris” .... c'est trop facile ! Qu'aimerais-tu leur répondre, si besoin était ?
Tout dépend de ce que l’on appelle facile : il est effectivement facile de faire une photo d’oiseau ou de mammifère exotique que l’on ne connaît pas, mais, comme chez nous en France, si l’on veut une bonne photo avec un animal en action dans une belle lumière, il faut s’en donner les moyens comme faire des affûts et bien choisir son moment. La préparation en amont de la connaissance des lieux et des animaux que l’on peut rencontrer est aussi essentielle.
Cette prise a-t-elle présenté une difficulté particulière dans sa réalisation ?
Cette photo a été prise lors de la descente du fleuve Zambèze en canoë à 2 places.
La descente s’est faite sur plusieurs jours avec bivouacs la nuits , soit sur la rive zambienne, soit sur la rive zimbabwéenne. Les canoës étaient assez instables et le principal danger était représente par les hippopotames qui étaient nombreux sur ce parcours. Nous avons reçu des consignes de sécurité très strictes car ces animaux représentent un danger assez grand. Quand je suis arrivé avec ma co-équipière en face de la falaise de sable, il y avait plusieurs centaines d’oiseaux et le temps de nous stabiliser malgré le très fort courant, beaucoup d’oiseaux étaient partis. Heureusement une trentaine restait sur place , ce qui a permis de faire ces photos.
Les oiseaux reviennent-ils rapidement ? ils ne sont pas dérangés par le tourisme ?
Oui, ils reviennent rapidement. Dans le cas présent, ils voyaient régulièrement des pêcheurs aller et venir sous les falaises de sable et cela n'avait pas l'air de trop les déranger. Quant au tourisme sur cette partie du Zambèze, en plusieurs jours de descente en canoë, nous n' avons vu personne.
Question "bateau" : pour toi, c'est quoi une belle photo ? et celle-ci en est-elle une ?
Pour moi, une belle photo est une photo liée à une émotion avant tout, que ce soit dans l’action, la lumière, le contexte , en résumé une photo que j’aime faire partager et que mes enfants et petits enfants pourront vivre également s’ils le désirent.
Peut-être un dernier point : je me rends compte que nous n'avons pas abordé les aspects photographiques ! Les conditions de prises de vue nécessitent-elles des exigences techniques particulières et du matériel spécifique ?
Dans le cas présent, il fallait savoir à la fois manier le pagaie et l'appareil photo de conserve et ne pas craindre de mouiller l'appareil avec les filets d'eau embarqués !!! J'ai utilisé ici un zoom 120-400 mm Sigma avec un boîtier Nikon D200..
Merci Claude pour ta disponibilité et de nous avoir fait voyager !!
Et un grand MERCI à toi, Patrick, pour cet entretien qui m'a permis de me remémorer de très bons souvenirs.
(interview réalisée par Patrick Perrinaud)